Le gris-gris inuit

C’est l’histoire d’un gris-gris inuit déniché dans une kermesse un peu kitsch, comme celles de mon enfance qui sentaient bon la pomme d’amour et la barbe à papa. Quelques tables de salle communale agencées l’une contre l’autre accueillaient un amalgame d’objets hétéroclites, un vrai inventaire à la Prévert. Ce marché aux puces pittoresque où chaque villageois semblait y avoir déposé un clin d’œil de son passé ciblait tout un chacun par sa diversité. Une invitation banalement formulée m’y avait convié par le biais du wiki de mon quartier. Je m’y étais rendu intrigué.

Il faut dire que ma curiosité d’enfant restait intacte. Je rentrais donc dans la grande salle impersonnelle.

Sur une table de formica jaune canari, mon regard fut attiré par une pseudo porte-clés : un entrelacs de plumes et de perles auréolait une esquisse de dent. Un petit papier légendait l’objet « souvenir du Groenland ». Dans l’espièglerie de ma chasse au trésor je crus y percevoir une dent d’ours polaire. Cette pensée fantaisiste me décrocha un fou rire solitaire. Je l’achetai sans hésiter. Depuis, chaque jour où la météo de mon humeur présage monotonie et grisaille, je glisse le gris-gris inuit dans ma poche en amulette de sourire.

 

Fabien Fleury