n SUGGESTIONS DE LECTURES

 

 

EN UN COUP D'ŒIL

 

 

Bandes dessinées

Aya de Yopougon, scénario de Marguerite Abouet, dessin de Clément Oubrerie, Paris, Gallimard, 2005.

Magie noire, Gilbert Groud, Paris, Albin Michel, 2003.

 

Romans

L'aventure ambiguë, Cheikh Hamidou Kane, Paris, Julliard, 1961.

Le jeune homme de sable, Williams Sassine, Paris, Présence africaine, 1979.

Une si longue lettre, Mariama Bâ, Dakar, Les nouvelles éditions africaines, 1979.

La chanson des kobis, Thierno Ba, Dakar, Les Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), 1994.

Abboki ou l'appel de la côte, Halilou Sabbo Mahamadou, Dakar, Les Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), 1978.

 

 

 

Bandes dessinées

 

Aya de Yopougon

scénario de Marguerite Abouet, dessin de Clément Oubrerie, Paris, Gallimard, 2005.

 

À la fin des années 1970, dans Yopougon, le faubourg d'Abidjan, la vie coule tranquillement, entre les incartades des pères de famille et les montées de sève des ados. Aya est une jeune fille sérieuse, ce qui n'est pas exactement le cas de ses copines Adjoua et Bintou, deux grandes «gazeuses» plus occupées à chauffer les «génitos» dans les «maquis» qu'à faire leurs devoirs... Et quand Adjoua tombe enceinte de Moussa, le rejeton du patron de Solibra, la marque de bière nationale, on n'en fait pas un drame mais plutôt une noce. D'origine ivoirienne, Marguerite Abouet raconte l'Afrique de son enfance, loin des guerres, de la famine ou du sida. On rit beaucoup à la lecture de cette chronique tendre et pleine de verve, émaillée d'idiomes rigolos, qu'illustre avec fraîcheur le dessin de Clément Oubrerie.

 

Marguerite Abouet naît à Abidjan en 1971. Elle a douze ans quand ses parents l’envoient avec son grand frère "suivre de longues études" à Paris, où les héberge leur grand-oncle maternel. Après des études moins longues que prévu, elle se consacre à l'écriture, tout en devenant tour à tour punk, super-nounou pour triplés, pour mamies et papis, serveuse, opératrice de saisie. Elle est maintenant assistante juridique dans un cabinet d'avocats, vit à Romainville et continue d'écrire des romans qu’elle ne fait lire à aucun éditeur. Aya de Yopougon est la première histoire qu’elle destine à la bande dessinée.

 

Clément Oubrerie est né à Paris en 1966. Après des études d’art à l’école Penninghen, il est parti vivre aux États-Unis, où ses premières illustrations sont publiées. De retour en France, il a illustré des ouvrages pour la jeunesse – une cinquantaine à ce jour – et fondé la Station OMD, un atelier de création graphique avec lequel il prépare un film d’animation signé Anna Gavalda. Aya est son premier livre en bande dessinée.

 

Magie noire

Gilbert Groud, Paris, Albin Michel, 2003.

 

Groud G. Gilbert, né en Côte d'Ivoire, s'est décidé - après maintes hésitations - à publier cette bande dessinée consacrée à un sujet qui reste mystérieux et secret : la sorcellerie, "forme spirituelle, opérationnelle des ténèbres". Ce récit original et dense oscille entre fiction, sociologie et reportage. Traité dans des tons ocres et bruns, il est rehaussé de traînées flamboyantes pour dire le feu qui brûle au cœur même de l'Afrique. Une vision inédite du continent noir, inquiétante et fascinante à la fois.

 

Envoûtement, gris-gris et marabout. De la sorcellerie en Afrique nous ne connaissons guère que ces mots. Aussi Magie noire nous entrouvre les portes d’un monde mystérieux. Parce que le grade d’un sorcier dépend de la valeur et du nombre de sacrifices humains qu’il a offerts, un père de famille va se retrouver dans une situation dramatique : pour assouvir sa soif de pouvoir, il lui faut sacrifier son fils, le dernier puisqu’il a déjà livré quatre de ses enfants. Que va-t-il décider ?

 

La sorcellerie est une institution en Afrique et comme toutes les institutions, elle est régie par des codes, des lois. La lecture de l’introduction - très documentée - dans laquelle l’auteur nous explique les rites dans les grandes lignes, se révèle indispensable. Des bulles explicatives tout au long des pages nous aident aussi à mieux comprendre ce qui se trame. Mais même avec toutes ses informations, l’histoire - forcément fantastique - reste complexe. L’album a cependant le mérite d’être un miroir de l’Afrique moderne perpétuant des coutumes ancestrales. Une Afrique où l’importance des sorciers est telle que chez eux, nous dit un villageois au détour d’une case, même les médecins recourent à leurs soins. Une Afrique où des meurtres continuent d’être perpétrés au nom de la sorcellerie. Aujourd’hui dans une famille noire, précise même l’auteur, "85% des membres sont initiés car la magie noire est devenue une mode. Qui n’est pas sorcier n’est pas homme".

 

 

Romans

 

Les trois premiers romans proposés ici illustrent trois mouvements importants au sein de la littérature africaine:

 

- La valorisation du patrimoine culturel africain et la problématique de "l'école des otages", de tradition coloniale, pour les enfants du pays (L'aventure ambiguë).

- La désillusion des indépendances avec son lot de corruptions et de politiques tyranniques (Le jeune homme de sable).

- Une certaine prise de paroles par des femmes écrivains qui se penchent sur la situation de la femme dans leur culture (Une si longue lettre).

 

Les deux derniers, destinés à un jeune public, traitent des problèmes de l'Afrique dans une langue accessible et pourront mener les élèves des premières classes du secondaire I à découvrir les réalités, parfois difficiles, d'une autre culture (La chanson des kobis et Abboki ou l'appel de la côte).

 

 

L'aventure ambiguë

Cheikh Hamidou Kane, Paris, Julliard, 1961.

 

Écrit en 1952, mais publié seulement neuf ans plus tard, ce roman d’inspiration autobiographique est étudié dans tous les lycées, collèges et universités d’Afrique; il est aussi l’un des livres de ce continent les plus célèbres dans le monde. En voici une brève synthèse:

 

Première partie. Samba Diallo est un enfant qui a été confié par son père, Le Chevalier, au chef de la tribu des Diallobé afin qu’il suive l’enseignement d’un sévère maître d’école coranique, Thierno. Ce dernier a très vite repéré chez l’enfant des qualités exceptionnelles. Alors qu’il est arrivé à l’âge de se rendre à l’école européenne, les avis sont partagés: le chef des Diallobé hésite à l’y envoyer, le maître d’école le déconseille vivement et la Grande Royale, sœur du chef, y est au contraire favorable. Suivant les recommandations de la Grande Royale (afin qu’il apprenne à "vaincre sans avoir raison"), Samba Diallo fréquente l’école européenne, s’y montre excellent élève, apprend très vite et se voit proposer de poursuivre ses études à Paris.

 

Seconde partie. À Paris, Samba Diallo vit très mal son isolement et son déchirement entre ses deux cultures. Il rencontre Lucienne, une communiste, et Pierre-Louis, un avocat antillais militant, avec lesquels il débat de la confrontation et du bien-fondé de l’interpénétration des cultures. À la demande de son père, il regagne l’Afrique. Il rencontre un homme, devenu fou après un séjour en Europe, qui lui propose de prendre la succession du maître Thierno, décédé. Mais Samba Diallo a abandonné la pratique religieuse. Le fou poignarde Samba et met ainsi fin à l’ambiguïté de son aventure.

 

Voilà un livre fondateur, où se résument les contradictions vibrantes des héritages différents de l’Afrique contemporaine : héritages socio-culturels liés à l’importance des clans et des familles, héritages spirituels catholiques ou musulmans, apports scientifiques, techniques, politiques, des traditions occidentales.

 

D'origine peul, né en 1928, Cheikh Hamidou Kane est l'auteur de ce grand classique de la littérature africaine. Il a été ministre du gouvernement sénégalais et haut fonctionnaire international. Il a notamment représenté l'UNICEF en Afrique, à Lagos et Abidjan, ce qui lui a donné l'occasion de parcourir pratiquement tous les pays de l'Afrique au sud du Sahara à l'exception de l'Afrique du Sud.

 

Le jeune homme de sable

Williams Sassine, Paris, Présence africaine, 1979.

 

Le sable, comme l'eau qu'il évoque, symbolise l'impermanence et la fragilité de ce qui coule, mais aussi la dure, l'imputrescible, l'inentamable minéralité des choses qui jamais ne changent. Telle est la pureté de la jeunesse : vulnérable, exposée, de peu de poids face aux puissances du monde, mais forte et immortelle comme les idéaux que son innocence proclame. Le beau, le strict roman de Williams Sassine, dont l'œuvre, de texte en texte, s'affirme comme une des plus stimulantes et originales de la jeune littérature romanesque négro-africaine, est à la fois un cri de révolte, un chant tendre et une parole d'espoir. Révolte des fils contre la trahison des pères, mise en question d'un pouvoir complaisant, révolte contre la violence, la tuerie, l'arbitraire, l'égoïsme cynique d'une minorité de privilégiés. Tendresse immense pour le peuple noir, détenteur en son silence, en son humilité, des vraies richesses du temps, du ciel et de la terre. Espoir, tout de même, en ces mortelles circonstances, espoir en la jeunesse, lumineuse, dure, pure et innombrable comme l'étendue des sables.

 

Williams Sassine est né en 1944 en Guinée. Après 25 années d’exil cet enseignant de mathématiques né d’un père libanais arabe et chrétien et d’une mère guinéenne musulmane revient en Guinée en 1989. Il a publié quatre romans : les deux premiers avec des intentions didactiques évidentes (Wirriyamu, Saint Monsieur Baly) puis un très beau Jeune Homme de sable et, enfin, un burlesque et très désabusé "cahier d’un retour au pays natal" (Le Zéhéros n’est pas n’importe qui).

 

Parmi les écrivains africains francophones, Williams Sassine est celui chez qui la notion de marginalité colle à la peau. Cette marginalité est avant tout la conséquence de son métissage biologique. Né d’un père libanais et d’une mère guinéenne, Sassine prend vite conscience de son altérité au sein de la société africaine et éprouve de ce fait un profond sentiment de solitude. Outre la marginalité, l’œuvre de Sassine est traversée par l’errance. Celle-ci est même peut-être à l’origine de cet humour ensoleillé de Sassine qui le rend si humain, si fraternel.

 

Une si longue lettre

Mariama Bâ, Dakar, Les nouvelles éditions africaines, 1979.

 

Une si longue lettre de la Sénégalaise Mariama Bâ est un classique. Un ouvrage paru en 1979 et qui ose aborder des sujets tabous comme les castes, l’éducation sexuelle, le corps des femmes. Plus de vingt ans après la mort de son auteure, c’est toujours un livre majeur.

 

La narratrice de ce roman épistolaire, Ramatoulaye Fall, vient de perdre son mari et écrit à sa meilleure amie, Aïssatou Bâ. Au-delà des souvenirs évoqués, c’est un tableau vivant et terriblement juste de la femme africaine qui se dessine entre les lignes de la romancière. Elle insiste sur le rôle "multidimensionnel" de la femme au foyer qui enfante, nourrit, exécute ou supervise les tâches domestiques. Mais elle décrit surtout l’univers souvent tragique de la polygamie.

 

Mariama Bâ est née en 1929 au Sénégal. Elle a été élevée par ses grands-parents, dans un milieu musulman traditionnel. Son père était Ministre de la Santé à l'époque de la loi cadre. Elle obtient son diplôme d'institutrice en 1947, enseigne pendant douze ans puis, pour des raisons de santé, demande son affectation à l'Inspection régionale de l'enseignement du Sénégal. Mère de neuf enfants, divorcée, elle a été l'épouse du député Obèye Diop. En 1980 elle a obtenu le Prix Noma avec son premier roman. Elle est morte l'année suivante, peu avant la parution de son second ouvrage.

 

La chanson des kobis

Thierno Ba, Dakar, Les Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), 1994.

 

C'est dans le Ganduum, ce coin du Sénégal à l'atmosphère de paradis perdu, que prend vie le récit de Thierno Ba. Baak est promis depuis sa naissance à Satu, mais il aime et est aimé de Tening, elle-même promise à Laang. Les élans du cœur se heurtent ici à la tradition. Une belle épopée aux accents de tragédie grecque.

 

Thierno Ba est né en 1926 à Foudiougne, au Sénégal, dans ce milieu Toucouleur, Wolof, Serer dont la symbiose a une heureuse influence sur son œuvre. Instituteur, puis professeur de C.E.G., il est l'auteur de pièces dramatiques et épiques.

 

Abboki ou l'appel de la côte

Halilou Sabbo Mahamadou, Dakar, Les Nouvelles éditions africaines du Sénégal (NEAS), 1978.

 

Abidjan, Dakar, villes fabuleuses, portes du rêve pour les villageois des terres intérieures… portes du désastre pour ceux qui, comme Amadou, quittent leur village natal pour rejoindre les villes côtières, des rêves de gloire et de fortune plein la tête. Il y a ceux qui y perdent leur âme, ceux qui y perdent leurs biens jusqu'à leur dernière chemise…

 

 

À propos de littérature africaine

 

Pour en savoir plus à propos de ces mouvements littéraires et les replacer dans un contexte culturel et politique, se reporter à l'ouvrage synthétique et éclairant de Jacques Chevrier, Littératures d'Afrique noire de langue française.

 

Jacques Chevrier, Littératures d'Afrique noire de langue française, Paris: Nathan, 1999.

Paul Désalmand, 25 romans clés de la littérature négro-africaine, Paris: Hatier, 1981.

Christiane Ndiaye (dir.), Introduction aux littératures francophones. Afrique. Caraïbe. Maghreb., Montréal: Presses de l'Université de Montréal, 2004.

 

Quelques liens

Une librairie africaine en ligne: http://www.afrilivres.com
À propos de littérature sénégalaise:http://www.senegalaisement.com/senegal/litterature.html

Sur Senghor: http://www.senegalaisement.com/senegal/leopold_sedar_senghor.html

Site à propos de Mariama Bâ: http://www.arts.uwa.edu.au/AFLIT/BaMariama.html